Mars 2020 : l’urgence de la crise sanitaire entraîne une mise en place généralisée du travail à distance. Ce défi inédit, particulièrement aventureux à ses débuts, a pourtant permis de constater en quelques semaines l’agilité et la flexibilité permises par ce type d’organisation.
Suite à cette période particulière, de nombreuses études ont mis en relief que plus de 50 % des collaborateurs en France souhaiteraient télétravailler plus souvent dans le futur. Les managers eux-mêmes seraient convaincus en majorité.
Cependant, le télétravail sur du plus long terme, contrairement à l’expérimentation du confinement, ne doit pas s’organiser dans l’urgence mais sur la base d’un dialogue
entre les personnes concernées.
2020 : la fin de la culture du présentéisme ?
Malgré les difficultés liées au contexte particulier du confinement, l’engouement des collaborateurs pour le télétravail n’est pas si étonnant. Ce mode d’organisation fait partie depuis plusieurs années des principales demandes en faveur d’une meilleure qualité de vie au travail. Plus nouveau en revanche : les managers “se félicitent des bienfaits du travail à distance sur la confiance dans les relations de travail“, 76% d’entre eux ont le sentiment que l’expérience “a renforcé la confiance qu’ils placent dans leurs collaborateurs” (selon une étude Terra Nova, Bissuel, 2020). Ce mode d’organisation était pourtant loin de faire l’unanimité parmi les managers en France.
Le frein managérial au regard du télétravail a longtemps été associé à une certaine “culture du présentéisme” dans les entreprises françaises. Journées de travail à rallonge, multiplication des heures supplémentaires, difficulté à s’arrêter en cas de maladie … cette conception de la productivité comme proportionnelle au temps de présence était très répandue, malgré les conséquences négatives sur la santé des collaborateurs (Bys, 2020). Souvent associée à un manque de confiance entre managers et collaborateurs, la culture “de la présence” a néanmoins été remise en question par la distance physique instaurée en période de confinement. Difficile désormais de faire machine arrière ! La situation actuelle aura ainsi déconstruit certains freins attribués au télétravail, et mis en avant plusieurs de ses bénéfices. Elle aura également révélé certains risques qui y sont associés et qui doivent faire l’objet d’une attention particulière dans le cadre de sa mise en place plus pérenne.
Un passage au télétravail à ajuster
Suite aux adaptations rapides des pratiques professionnelles lors du confinement, le télétravail semble aujourd’hui presque incontournable pour celles et ceux qui ont la possibilité de le mettre en place. Attention toutefois : cette organisation doit être ajustée et formalisée pour être bénéfique sur la durée. Le télétravail peut en effet se révéler contre-productif dès lors qu’il n’est pas correctement encadré : augmentation de la charge de travail, allongement des horaires, sensation d’isolement … autant de conséquences qui, à long terme, peuvent impacter la santé des collaborateurs.
Afin d’éviter de telles conséquences et s’accorder sur les modalités d’un télétravail « durable », le dialogue entre RH, élus, managers et collaborateurs est indispensable. Un accord formel de télétravail, fixant les modalités de travail à distance, rassurera les managers qui pourraient encore se montrer réticents. Mais surtout, il encadrera le temps et les modalités de travail afin de prévenir certains risquent de débordements.
Ce type d’accord doit notamment notifier :
- la fréquence hebdomadaire du télétravail
- les plages horaires de disponibilités des collaborateurs
- les moyens mis en place pour faciliter le télétravail.
Il est également nécessaire de s’assurer que tous les collaborateurs dont le poste/la fonction autoriserait le pratique du télétravail puisse avoir une maîtrise suffisante des outils numériques nécessaires à la collaboration à distance.
Cultiver le lien social et les retours d’expériences
Au-delà des accords qui régissent sa mise en place, le télétravail doit également être accompagné au quotidien. Facteur d’isolement physique des salariés (Dumas & Ruillier, 2014), l’éclatement géographique des équipes de travail doit être associé à une politique d’échanges réguliers. Le manager devra également veiller à ce que les informations circulent de manière fluide au sein de l’ensemble de l’équipe de travail, afin d’éviter tout sentiment de mise à l’écart.
Plus généralement, des entretiens réguliers pourront être mis en place entre les collaborateurs et le manager, afin que chacun ait l’opportunité de formuler son avis sur les modalités d’application du télétravail. En effet, il est important de garder en tête que la mise en place du télétravail, contrairement à ce qui s’est passé durant la période de confinement, est une transition qui doit s’appréhender sur la durée. Plusieurs tests et retours d’expériences sont généralement nécessaires afin de parvenir à une organisation qui convienne à l’ensemble des acteurs impliqués. Ainsi, il est recommandé d’interroger de manière régulière les collaborateurs, afin de considérer les possibilités d’ajustement du télétravail. De nouvelles organisations pourront être testées de manière régulière, dans une logique d’expérimentation. Cette démarche doit permettre de faire le point sur les bénéfices ainsi que de détecter au plus tôt les risques pour la santé et l’efficacité liés au télétravail.
En synthèse ? La période de confinement a sans doute encouragé une accélération de la mise en place du télétravail en France. Cependant, ces dernières semaines nous ont également donné à voir les difficultés qui y sont associées. Accepter de reprendre les bases de l’organisation de l’équipe, d’échanger avec les collaborateurs et de fixer un cadre de télétravail sont autant de pratiques qui permettront de pérenniser ce fonctionnement et d’en tirer tous les bénéfices.
Références citées :
Bissuel, B. (2020). Une conversion au télétravail plutôt réussie, selon une étude. Le Monde.
Bys, C. (2020). Deux jours par semaine, des salariés sont présents au travail mais ont l’esprit ailleurs. L’Usine Nouvelle.
Dumas, M., & Ruiller, C. (2014). Le télétravail: les risques d’un outil de gestion des frontières entre vie personnelle et vie professionnelle?. Management Avenir, 8, 71-95.