Après une année d’efforts intenses d’adaptation en lien avec la crise sanitaire, la fatigue se fait de plus en plus ressentir. Nous avons le sentiment de voir émerger une certaine résignation et la représentation que le mal-être se développe comme une fatalité inévitable. Cela nous inquiète. Devons-nous chaque jour subir les chiffres et les commentaires associés sur la détresse en France ou se mobiliser différemment. Il y a en chacun de nous des ressources psychologiques puissantes qui peuvent être stimulées pour une meilleure santé psychologique. Peu de personnes y sont formées. Il y a urgence à le faire entendre, urgence à partager les clés du mieux-être face à l’adversité, urgence à l’intégrer dans les apprentissages. C’est un enjeu de santé publique : face à la crise sanitaire, face aux crises et incertitudes de la vie et du monde.
Dans ce cadre, où aller puiser l’énergie pour surmonter les mois à venir ? Dans l’article ci-dessous, nous avons choisi de prendre comme exemple de piste possible celle de la stimulation de la résilience.
Résistance psychologique et résilience
Lorsque nous faisons référence à l’énergie qui nous permet de rebondir en cas de coup dur, il est possible de faire référence au concept de résilience. Définie comme la capacité de se délier des effets d’un traumatisme et de se reconstruire après un choc [1], la résilience n’est pourtant pas synonyme d’invulnérabilité. En effet, être résilient suppose d’avoir au préalable été touché et déstabilisé par une situation. Dans un premier temps, il faut y avoir été vulnérable jusqu’à un certain point, puis, avoir cherché et réussi à s’adapter et à croître à travers les contraintes induites par cet événement [2].
Selon les différentes définitions [1], la résilience serait à la fois :
- une capacité individuelle, même si cette définition reste aujourd’hui la plus remise en question par les spécialistes,
- un état positif résultant de la mise en œuvre de certaines stratégies adaptatives par des personnes qui évoluent favorablement, bien qu’ayant éprouvé une forme de stress,
- un processus dynamique, modulable, évoluant dans le temps et selon les événements, résultant de l’interaction de facteurs de protection et de facteurs de risque se situant sur différents plans (personnel, familial et environnemental).
En d’autres termes, la résilience désigne la capacité, plus ou moins innée, plus ou moins apprise, plus ou moins stable dans le temps, à créer du sens autour d’un événement objectivement négatif. Une capacité qui semble particulièrement utile en ces temps de fatigue généralisée.
Renforcer ses capacités de résilience
Pour renforcer ses capacités de résilience il existe différentes pistes à ajuster selon la situation. En voici quelques exemples ci-dessous.
Renforcer le sens
La résilience pose avant tout la question du sens. Selon Viktor Frankl, professeur de neurologie et de psychiatrie, « l’être humain ne cherche pas avant tout le plaisir ni la souffrance, mais plutôt une raison de vivre. Voilà pourquoi l’homme est prêt à souffrir s’il le faut, mais à la condition, bien sûr, que sa souffrance ait un sens » [3]. La clé du développement de la résilience désigne ainsi la possibilité de créer du sens autour d’un événement potentiellement traumatisant.
Renforcer l’estime de soi et l’empowerment
L’empowerment est un processus par lequel une personne qui se trouve dans des conditions de vie plus ou moins incapacitantes développe, par l’intermédiaire d’actions concrètes, le sentiment qu’il lui est possible d’exercer un plus grand contrôle sur les aspects de sa réalité psychologique et sociale [4]. Les spécialistes de la question mettent en avant le rôle capital dans ce cadre de l’expérience de la réussite, de la perception de ressources suffisantes et de l’interaction avec des personnes clés dans une relation de partenariat [4].
Travailler ses stratégies de coping face au stress
Le coping, assez proche du concept de résilience, a été largement développé, entre autres, par les chercheurs en psychologie Lazarus et Folkman [5]. Pour ces auteurs, toute personne confrontée à une situation de stress a recours à deux types d’évaluation complémentaires : la première consiste à analyser la situation, ses enjeux et ses dangers ; la seconde vise à interroger les moyens possibles ou disponibles pour gérer la situation. Les actions concrètes ensuite mises en place par une personne correspondent aux stratégies de coping. En fonction de leur cible (soit le problème en lui-même, soit les effets psychologiques et physiques du problème), les stratégies de coping peuvent être plus ou moins adaptées à la situation et permettent ou non la résilience.
En résumé ? Activer les mécanismes de la résilience demande à la fois un travail de fond (créer du sens à partir d’une situation négative), mais aussi des actions instantanées, qui visent à influencer directement la source du problème dans une dynamique psycho-sociale. Un exercice qui demande des compétences et une énergie qui est souvent rare en période de souffrance. L’accompagnement par un professionnel pour développer son capital psychologique, y compris dans le cadre de formations, est vivement recommandé. Qu’il s’agisse d’une urgence ou d’une démarche préventive, c’est dans tous les cas un investissement utiles, pour mieux faire face aux périodes de crise.
Principales références citées :
[1] Tisseron, S. (2007). La résilience, Paris, PUF. Que sais-je, (3785), 128.
[2] Joubert, N. (2003). La résilience et la prévention du suicide: se réapproprier la souffrance de l’être et notre quête de bien-être. Institut national de santé publique du Québec.
[3] Frankl, V. (2005). On the theory and therapy of mental disorders: An introduction to logotherapy and existential analysis. Routledge.
[4] Le Bossé, Y., & Lavallée, M. (1993). Empowerment et psychologie communautaire: aperçu historique et perspectives d’avenir. Cahiers internationaux de psychologie sociale, 20, 7-20.
[5] Lazarus, R. S., & Folkman, S. (1984). Stress, appraisal, and coping. Springer publishing company.