La prédisposition au changement est un domaine récent et innovant dans le domaine de la psychologie du travail. Ce concept trouve sa place dans notre société actuelle, où les entreprises et administrations doivent faire face à un nombre croissant de changements organisationnels (Conner, 1992). Ceux-ci sont définis comme « un processus conduisant à une transformation, plus ou moins profonde, plus ou moins en adéquation avec les intentions des acteurs initiateurs, des règles formelles, mais aussi des comportements individuels et/ou collectifs caractérisant le fonctionnement socio-organisationnel » (Foudriat, 2015 ; p.9). Ces changements organisationnels peuvent renvoyer à différentes réalités comme l’implémentation de nouvelles technologies, la réorganisation de services, la réduction des effectifs, voire un changement de culture de l’entreprise (Pichault, 2015).
Qu’est-ce que la prédisposition au changement ?
Quelle que soit la nature des changements organisationnels, ils peuvent être sources d’incertitudes chez les salariés et leurs conséquences sont souvent importantes (Bordia et al., 2004). En effet, il est par exemple demandé à ceux-ci d’apprendre de nouvelles pratiques professionnelles et pour ce faire de s’appuyer notamment sur leurs ressources individuelles. Dans de tels contextes, certains employés réagissent négativement tandis que d’autres y voient l’occasion de grandir et d’apprendre.
Pour tenter d’expliquer ces différences inter-individuelles, Di Fabio et Gori (2016) ont récemment opérationnalisé le construit de l’« acceptation du changement » (acceptance of change) et l’ont défini comme la capacité des individus à accepter une situation nouvelle et possiblement stressante plutôt qu’à la fuir. Cette ressource psychologique n’est pas figée dans le temps. Tout individu peut travailler dessus au cours de sa vie ou de ses expériences (Johnson & O’Leary-Kelly, 2003).
Quels impacts peut avoir la prédisposition au changement ?
Appréhender les relations entre ces diverses dimensions de l’acceptation du changement et des conséquences attitudinales et comportementales variées dans le champ professionnel ainsi qu’avec la santé psychologique des travailleurs revêt des enjeux cruciaux à la fois pour ceux-ci et pour les organisations du travail. De fait, lorsqu’un salarié est accompagné lors d’un changement organisationnel et qu’un travail est fait sur la résistance à ce changement, l’organisation va pouvoir agir, à titre d’exemples, sur :
- l’apparition de problèmes de santé (Oreg et al., 2011) ;
- la baisse du sentiment de contrôle perçu (Fløvik et al., 2019) ;
- la diminution de la productivité (Magnusson et al., 2008).
À l’inverse, ce même changement lorsqu’il est mis en œuvre avec le soutien des collaborateurs peut avoir des conséquences favorables pour certains employés, comme par exemple :
- l’augmentation de la satisfaction au travail (Cherkaoui et al, 2017) ;
- l’augmentation du bien-être au travail (Svensen et al., 2007) ;
- l’augmentation motivation dans son travail (Gagné & Deci, 2005) ;
- la contribution à la mise en œuvre de modifications organisationnelles (Piderit, 2000).
Ainsi, les bienfaits de l’acceptation du changement sont nombreux et toujours étudiés dans la littérature. D’autres pourraient venir compléter cette liste, comme l’initiative personnelle ou l’état psychologique optimal au travail.
Comment accompagner les salariés en contexte de changement ?
Comme dit précédemment, l’acceptation du changement est un état-trait. Cela signifie qu’elle ne renvoie pas à une réalité figée dans le temps et que les individus peuvent la développer tout au long de leur vie. Un psychologue du travail peut à la fois développer cette ressource auprès de vos salariés et accompagner ceux qui font preuve de résistance. L’objectif d’une telle intervention est d’identifier les leviers favorables au développement de la prédisposition au changement et donc de la qualité de vie au travail des collaborateurs dans des contextes d’évolutions et/ou de transformations organisationnelles.
Avant tout, l’amélioration des process de communication sur les changements est primordial. Autrement dit, les individus concernés par ce changement auront moins la sensation de le subir s’ils sont placés au cœur de ce processus. Les recherches menées à ce jour sur les antécédents de la prédisposition au changement font d’ailleurs apparaître que l’implication dans des processus décisionnels, la qualité perçue des informations dispensée par l’organisation (Ertürk, 2008) et la confiance accordée aux dirigeants (Devos, Buelens & Bouckenooghe, 2007) prédisaient cette disposition individuelle. Dès lors, il est donc important de :
- les tenir informés du changement à venir et de choisir le jour opportun pour le faire ;
- réaliser un temps d’échanges pour recueillir les doutes, les craintes et les questionnements ;
- lever toutes les zones d’ombre et d’ambiguïté pour éviter les interprétations qui pourraient engendrer de la résistance chez vos collaborateurs ;
- échanger autour de la nécessité (en quoi ce changement est important), de l’utilité (en quoi cela va faciliter la vie organisationnelle) et de l’intérêt (pour les salariés qui vivront ce changement) d’un tel changement ;
- instaurer des pratiques managériales participatives. L’intérêt est double: recueillir de nouvelles idées et déléguer quand cela est possible. Ce dernier point va venir travailler sur la responsabilité et l’autonomie des collaborateurs concernés ;
- faire intervenir un psychologue du travail dans une démarche d’accompagnement.
Les domaines d’expertise du psychologue du travail et des organisations sont variés et il dispose de plusieurs outils et méthodes de travail sur lesquels se référer pour ses interventions : la littérature scientifique, l’ingénierie psycho-sociale, les questionnaires psychométriques, les analyses scientifiques, les entretiens collectifs ou individuels, etc. Sa sensibilisation aux différents comportements humains et à son importance dans le collectif sont des atouts non-négligeables dans une démarche d’accompagnement au changement. Une collaboration avec ce professionnel pourra donc aider à développer la prédisposition au changement des salariés concernés, à se donner un maximum de chances de réussite et à travailler sur la dimension psycho-sociale associée au changement (risques psychosociaux, engagement…).
Bordia, P., Hunt, E., Paulsen, N., Tourish, D., & DiFonzo, N. (2004). Uncertainty during organizational change : Is it all about control ? European Journal of Work and Organizational Psychology, 13(3), 345-365.
Cherkaoui, W., Jahmane, A., & Montargot, N. (2017). L’impact de la perception des changements organisationnels sur le bien-être des cadres. Question(s) de management, 2(2), 69-83. https://doi.org/10.3917/qdm.172.0069
Conner, D. R. (1992). Managing at the speed of change: How resilient managers succeed and prosper where others fail. Villard Books.
Devos, G., Buelens, M., & Bouckenooghe, D. (2007). Contribution of Content, Context, and Process to Understanding Openness to Organizational Change: Two Experimental Simulation Studies. The Journal of Social Psychology, 147, 607–630.
Di Fabio, A., & Gori, A. (2016). Developing a new instrument for assessing Acceptance of Change. Frontiers in Psychology.
Ertürk, A. (2008). A trust-based approach to promote employees’ openness to organizational change in Turkey. International Journal of Manpower, 29, 462–483.
Fløvik, L., Knardahl, S., & Christensen, J. O. (2019). The Effect of Organizational Changes on the Psychosocial Work Environment: Changes in Psychological and Social Working Conditions Following Organizational Changes. Frontiers in Psychology, 10, 2845.
Foudriat, M. (2015). Le changement organisationnel : Réflexions sur les conceptions méthodologiques. Dans J. P. Girard, I. Méry, & H. Mounir (dirs.), Les chefs de service à l’épreuve du changement (pp. 5‑30). Dunod. https://doi.org/10.3917/dunod.girar.2015.01.0005
Gagné, M., & Deci, E. L. (2005). Self-determination theory and work motivation. Journal of Organizational Behavior, 26, 331–362. https://doi.org/10.1002/job.322
Magnusson Hanson, L. L., Theorell, T., Oxenstierna, G., Hyde, M., and Westerlund, H. (2008). Demand, control and social climate as predictors of emotional exhaustion symptoms in working Swedish men and women. The Scandinavian Journal of Public Health, 36, 737–743.
Oreg, S., Vakola, M., & Armenakis, A. (2011). Change recipients’ reactions to organizational change A 60-year review of quantitative studies. The Journal of Applied Behavioral Science, 47, 461–524.
Pichault, F. (2015). Gestion du changement : vers un management polyphonique (2e éd.). De Boeck.
Piderit, S. K. (2000). Rethinking resistance and recognizing ambivalence: A multidimensional view of attitudes toward an organizational change. Academy of Management Review, 25, 783–794.
Svensen, E., Neset, G., & Eriksen, H. R. (2007). Factors associated with a positive attitude towards change among employees during the early phase of a downsizing process. Scandinavian journal of psychology, 48(2), 153-159.