La pratique d’une activité physique au travail représente un enjeu majeur dans la promotion de la qualité de vie au travail au regard des nombreux avantages qu’elle présente ; baisse du stress au travail, de l’anxiété, hausse du goût de vivre, de l’estime de soi, de la cohésion et de la satisfaction au travail… (e.g., Coffeng, van Sluijs, Hendriksen, van Mechelen, & Boot, 2015 ; Genin, 2019).
Selon les recommandations de l’OMS (2020), la pratique légère à modérée d’une activité physique ou sportive au moins 20 minutes à raison de trois à cinq fois par semaine, procure des effets psychologiques positifs (Poirel, 2017). Elle permet également d’agir sur les 3 niveaux de prévention (primaire, secondaire, et tertiaire) et présente un intérêt préventif et curatif dans la gestion des RPS.
Dans cette perspective, une démarche de promotion de l’activité physique a ainsi été développée et expérimentée au sein de la Direction Générale de la Gendarmerie Nationale (DGGN). Une institution au sein de laquelle le maintien de la condition physique prend une importance toute particulière, et qui s’inscrit dans les objectifs fixés par la Direction, afin de théoriser et encourager la pratique de l’activité physique tout en maintenant la condition opérationnelle des personnels dans le cadre de la prévention des RPS et de la promotion de la QVT.
Le programme proposé s’est ainsi élaboré à partir des besoins identifiés et de la littérature scientifique. Il vise à la reprise progressive et la pratique saine et raisonnée de l’activité physique, l’amélioration de la cohésion et l’optimisation du potentiel de chacun. La démarche s’organise autour de deux phases principales : une phase de sensibilisation et d’information et une phase d’accompagnement à la pratique d’une activité physique.
Résultats
Durant cinq semaines, une expérimentation a été menée au sein de la Direction Générale de la Gendarmerie Nationale. Elle présentait deux intérêts majeurs, en permettant de répondre conjointement aux enjeux conjoncturels et socio-économiques de l’institution et aux enjeux académiques de la recherche scientifique. L’étude se propose donc de répondre à la question : « La pratique d’une activité physique permet-elle d’améliorer la santé psychologique des personnels ? », l’hypothèse de départ étant que la pratique d’une activité physique a bien un effet positif sur la santé, conformément aux études préalables.
Le programme a été expérimenté sur un échantillon de personnes répartis en deux groupes de 12. Un groupe participait à la condition expérimentale dans laquelle il suivait le programme, tandis que l’autre devait poursuivre ses activités habituelles, sans suivre le programme.
Méthodologie utilisée
Afin d’étudier l’efficacité de ce programme, trois variables choisies à partir de la littérature scientifique ont été étudiées (i.e., bien-être, besoin de récupération, engagement au travail). Elles ont été mesurées au début et à l’issue du programme à partir d’échelles de mesure scientifiques (OMS, 1999 ; Schaufeli et al., 2019 ; Xanthopoulou et al., 2018). Également, des méthodes d’observations participantes et directes étaient utilisées afin de mettre en évidence le « comment » du phénomène. Des entretiens semi-directifs collectifs et individuels, réalisés avec les participants au programme à l’issue de l’expérimentation ont aussi permis d’étayer la recherche.
Premièrement, concernant l’analyse qualitative de cette étude, à l’issue de l’ensemble des entretiens réalisés, les éléments les plus régulièrement rapportés par les participants ont été regroupés en catégories (e.g., « aspect groupal » ; « sensation de bien-être » ; « dépassement de soi » etc.) afin de rendre compte des ressentis des participants. Par exemple, les volontaires ont évoqué une sensation de plaisir et de bien-être durant les séances et jusqu’à l’après-midi pour certains. Un meilleur endormissement permis par la pratique a également été évoqué.
Ensuite, concernant l’analyse quantitative, les résultats démontrent une augmentation moyenne de l’engagement au travail et du bien-être des participants du groupe test et une diminution de leur besoin de récupération tandis que la tendance s’inverse pour le groupe contrôle, ce qui va dans le sens des résultats attendus.
Concrètement, la méthode scientifique utilisée dans cette recherche a permis de mettre en avant les effets positifs de la pratique, même faible à modérée, d’une activité physique sur la santé. Les bénéfices ressentis par la pratique d’une activité physique sur le lieu de travail ont permis d’augmenter l’engagement des personnels ainsi que leur bien-être général tout en réduisant leur besoin de récupération. L’attitude face au travail est plus optimale, de part l’influence positive des ressentis liés à la pratique, ce qui leur permet de reprendre le travail dans de meilleures conditions.
Conclusion
Pour conclure, les éléments mis en avant par cette recherche à partir d’outils scientifiques démontrent des effets positifs de l’activité physique sur la santé et un enthousiasme marqué vis-à-vis de l’offre. Elle permet de réintroduire la notion de bien-être au travail par une approche permettant d’apporter les bases d’une pratique saine et raisonnée de l’activité physique. Elle attire l’attention sur les effets d’une pratique déraisonnée ou inappropriée, et les contraintes perçues en milieu professionnel se répercutant sur la santé des personnels et générant des conséquences à la fois visibles (frais médicaux, hausse du turn over, absentéisme) et invisibles (mauvaise image, souffrance au travail, désengagement au travail). Par conséquent, en plus des effets directs (et attendus) sur la santé des personnels de la pratique d’une activité physique mis en avant par cette expérimentation, la pratique régulière d’une activité physique génère des effets diffus. C’est également un signe de reconnaissance de l’organisation envoyé aux personnels qui contribue à augmenter leur sentiment de justice organisationnelle (Pierre & Barth, 2010 ; Planchard et al., 2018).
Principales références
Coffeng, J. K., van Sluijs, E. M., Hendriksen, I. J., van Mechelen, W., & Boot, C. R. (2015). Physical Activity and Relaxation During and After Work are Independently Associated With the Need for Recovery. Journal of Physical Activity and Health, 12, 109‑115.
Décamps, G. (2012). Psychologie du sport et de la performance (2012) (Ouvertures psychologiques – Série LMD) (French Edition) (1re éd.). Bordeaux, France : De Boeck sup.
Genin, P. (2019, septembre). Effet d’un programme d’activité physique en entreprise auprès de salariés du secteur tertiaire (Thèse). Université Clermont Auvergne, France : Santé publique et épidémiologie.
Labelle, G. (2001). Une équipe du tonnerre : découvrez le processus de consolidation d’équipes de travail. Editions Transcontinental inc. Fondation de l’Entrepreneurship.
OMS. (1999). Indice (en cinq points) de bien-être de l’OMS. Danemark. Repéré à https://www.psykiatri-regionh.dk/who-5/Documents/WHO5_French.pdf
OMS. (2020, 26 novembre). Activité physique. Consulté à l’adresse https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/physical-activity.
Pierre, J. & Barth, I. (2010). Un esprit sain dans un corps sain : promouvoir le sport au travail. Gestion, 35, 86-94.
Planchard, J. H., Bailly, L., Tifratène, K., Morales, V., Massiera, B., Garbarino, J. M., & Pradier, C. (2018). Promotion de la santé par l’activité physique sur les lieux de travail : expérimentation participative dans une entreprise privée. Santé Publique, 30, 169.
Poirel, E. (2017). Bienfaits psychologiques de l’activité physique pour la santé mentale optimale. Santé mentale au Québec, 42, 147–164.
Perreaut-Pierre, E. (2019). Comprendre et pratiquer les Techniques d’Optimisation du Potentiel – 3e éd. : Etre et rester au TOP (Accompagnement et Coaching) (French Edition). Paris, France : Intereditions.
Schaufeli, W. B., Shimazu, A., Hakanen, J., Salanova, M., & De Witte, H. (2019). An ultra-short measure for work engagement: The UWES-3 validation across five countries. European Journal of Psychological Assessment, 35, 577-591.
Xanthopoulou, D., Bakker, A. B., Oerlemans, W. G. M., & Koszucka, M. (2018). Need for recovery after emotional labor: Differential effects of daily deep and surface acting. Journal of Organizational Behavior, 39, 481-494.
