Ce premier article sur le sujet n’a pas pour vocation d’être exhaustif mais plutôt de mettre en lumière une inquiétude relative à la fatigue importante au sein de la fonction RH dont nous avons pu être un témoin privilégié lors de réorganisations chez nos clients et de façon encore plus prégnante depuis le début de la crise liée à la Covid 19.
Pour croiser nos observations, les données externes à Ekilibre conseil et disponibles sont peu nombreuses.
Après échanges avec plusieurs collègues et confrères, une grande partie d’entre-eux semble partager notre inquiétude sur l’augmentation de la fatigue au sein des équipes RH sur la base de leurs constats empiriques.
La santé de la fonction RH mérite peut-être une attention plus soutenue.
Commençons le chemin par partager quelques points de repères si vous le voulez bien.
Quelques données récentes sur le mal-être au sein de la fonction RH
Nous avons recherché des données externes à Ekilibre conseil et disponibles sur la santé perçue au sein de la fonction RH. Elles semblent à date peu nombreuses.
Les données les plus récentes que nous avons trouvées ont été publiées au mois d’avril 2020. Il s’agissait d’un sondage flash (associé au Baromètre “Les RH au quotidien” 2020 des Editions Tissot). Il dresse un bilan de l’état de santé de la fonction RH en pleine période de crise sanitaire. Le constat est édifiant et confirme les observations faites sur le terrain par les consultants, formateurs et coachs avec qui nous avons pu échanger. Sur les 810 responsables RH ayant répondu à ce sondage :
● 90 % se sentent épuisés (+ 10 points par rapport à février 2020)
● 77 % se sentent frustrés (+ 6 points par rapport à février 2020)
Les données étaient déjà inquiétantes avant la crise de la Covid 19 et la prise en compte de cette situation devient aujourd’hui urgente.
Ces données ne suffisent pas à diagnostiquer un pourcentage aussi élevé de burn out au sein de la fonction RH mais elles doivent sensibiliser sur le risque associé.
Pour rappel, Christina Maslach a défini l’ épuisement professionnel comme un syndrome psychologique impliquant l’ épuisement émotionnel , la dépersonnalisation et une diminution du sentiment d’accomplissement personnel.
Si la charge de travail est une des causes du burn-out c’est loin d’être la seule. A titre d’exemples : le manque d’autonomie, de reconnaissance, le sentiment d’injustice ou encore un écart entre ses valeurs personnelles et celles de son entreprise y participent grandement.
Toujours selon la source précédemment citée en lien avec les Editions Tissot : 82 % des RH interrogés se sentent « isolés » (+ 15 points par rapport à février 2020). Ce constat doit nous sensibiliser sur le fait que cet isolement ressenti retarde souvent la prise en charge de l’épuisement.
Les principaux facteurs de risques professionnels de la fonction RH
Si la Covid 19 n’a pas facilité la gestion de l’énergie au sein des fonctions RH en activité, nous pouvons identifier plusieurs facteurs de risques potentiellement déjà présents avant la crise. Citons par exemple (sans viser l’exhaustivité) :
● La pression des enjeux en période changement
● Les adaptations aux nombreuses évolutions réglementaires
● Une certaine pression éthique ou encore la nécessité de composer avec des injonctions paradoxales
● Le manque d’autonomie entre les objectifs stratégiques et les moyens
● La multitude et la diversité des tâches et projets associés à cette fonction (formation et développement des compétences, maintien du dialogue social, gestion de la paie, prévention des risques…)
● Un isolement important, bien souvent associé à la confidentialité des sujets traités et au fait d’être en support des autres.
● Un manque de reconnaissance du travail effectué.
Depuis le début de la crise, les RH ont pu être mis particulièrement en tension du fait par exemple d’une attention encore plus élevée sur les évolutions réglementaires, de la nécessité de piloter des adaptations en un temps record ou encore du fait d’un manque cruel de temps et de ressources ( 61% des professionnels RH seraient ainsi concernés, toujours selon le baromètre 2020 “Les RH au quotidien”). Pour 29% des répondants, le manque de budget s’est fait également sentir, limitant certaines marges de manœuvre comme le fait de pouvoir être accompagnés.
Quand bien même exposés à de nombreux facteurs de risques, les professionnels de la fonction RH se caractérisent par leur très fort engagement (cf. baromètre triennal Cegos de la fonction RH). Cette détermination, du fait de la passion nourrie par le plus grand nombre pour leur métier, leur permet souvent de tenir bon, même dans la tempête. Cela augmente cependant le risque de ne pas suffisamment se préserver des impacts potentiellement néfastes de leurs conditions de travail sur la santé, surtout quand « le calme ne revient pas après la tempête ».
Quelles pistes d’actions pour une fonction RH en meilleure santé ?
Nous avons interrogé une vingtaine de professionnels (consultant(e), formateur/trice, psychologue, coach…) qui comme nous officient régulièrement aux côtés des équipes RH pour conduire de projets de prévention des risques et/ou d’accompagnement du changement.
Les actions les plus souvent citées sont listées ci-dessous :
- Sensibilisation spécifique sur les risques d’épuisement pour la fonction RH (objectif : mieux comprendre pour se mettre en mouvement)
- Formation sur la gestion du stress et le développement de ses facteurs personnels de protection (objectif : mieux se protéger)
- Mise en œuvre de groupes de pairs ou de co-développement animés par un tiers extérieur (objectif : libérer la parole, rompre l’isolement, partager des bonnes pratiques)
- Bénéficier d’une possibilité d’échanges réguliers avec un psychologue du travail / coach (objectif : être écouté(e), rompre l’isolement, être guidé(e)/conseillé(e) si besoin)
Il n’y a cependant pas « d’action miracle » qui permettrait de faire l’économie d’une analyse de l’activité propre à chaque situation spécifique.
L’accompagnement du bien-être et de la performance de la fonction RH doit s’inscrire dans une démarche de prévention et d’accompagnement au même titre que cela se pratique plus classiquement pour d’autres unités de travail dans l’entreprise.
Il nous semble donc important de compléter les premières pistes d’actions proposées par un diagnostic des conditions de travail (objectifs : faire le point sur les variables d’état, les facteurs de risque, les facteurs de protection, les ressources internes mobilisables, les besoins …).
Ce diagnostic permettra de faciliter la co-construction d’un plan d’action sur mesure qui permettra certainement de compléter les premières idées d’actions émises : mieux définir le rôle RH au sein de l’entreprise, mieux aligner les objectifs et les moyens, développer la relation avec la Direction/ le management à tous les niveaux, développer la relation avec les élus, mettre en œuvre des outils efficients,etc…
Une question subsiste : qui pilote cette démarche de prévention dans la mesure où elle est pilotée habituellement par la fonction RH ? La réponse dépendra de différentes variables comme par exemple la taille de l’entreprise, de son organisation ou encore le contexte dans lequel se trouve la fonction RH. Le/la DRH ou le/la RRH pourraient porter le sujet pour leur(s) équipe(s). Une action au plus haut niveau de la hiérarchie nous semble également incontournable quand il s’agit du soutien à lui apporter.
En résumé, les professionnels RH sont au premier plan pour accompagner les transformations des entreprises, écouter et conseiller. Il ne semble pas qu’ils puissent tous bénéficier d’une symétrie des attentions. Le sujet est par ailleurs délicat puisqu’ils sont souvent en charge eux-mêmes de la prévention des risques pour le personnel de leur entreprise.
Nous espérons que ces quelques lignes contribueront à la prise de conscience des difficultés auxquelles ils doivent faire face et des risques pour leur santé.
Il semble désormais important et assez urgent de se mobiliser pour leur offrir l’attention et le soutien qu’ils méritent comme pour tout autre salarié. Une particularité peut-être c’est que sur ce sujet, les dirigeants ne peuvent pas forcément déléguer. Ils doivent certainement, dans certains cas, s’impliquer un peu plus.
Référence pour aller plus loin sur le burn out
Maslach C. & Leiter M.P. (2011), Burn out : le syndrôme d’épuisement professionnel. Les Arènes. (traduction en français de Gourdon V.)