Panacée pour les salariés qui estiment passer trop de temps au travail, plaie pour ceux qui ont besoin du contact de leurs collègues, désastres pour les managers avides de contrôle, opportunités pour les dirigeants en quête d’économies … Le télétravail à temps plein, dit aussi “full remote”, est associé à de nombreux fantasmes dans l’organisation. Si celui-ci était jusqu’alors très largement minoritaire, il a fait l’objet d’une expérimentation à grande échelle lors de la période de confinement à partir de mars 2020. Cette pratique s’est même installée de manière durable dans certaines entreprises, par souci de distanciation physique mais aussi par attrait pour ce mode de travail. Or le 100% télétravail est loin d’être une solution miracle d’un point de vue psychologique. Voyons ensemble pourquoi !
Une pratique différente du télétravail classique
En 2018, près de 30% des travailleurs déclaraient, lors d’une étude IFOP [1], pratiquer le télétravail occasionnel. Parmi ceux-ci, 77% s’en disaient satisfaits. Des chiffres qui ont, à l’époque, initié une vague de recommandations allant dans le sens d’une mise en place de télétravail régulier dans les organisations. Mais la crise de la COVID 19 est passée par là, et a instauré une forme radicale de télétravail : le full remote. Celui-ci a-t-il les mêmes avantages que le télétravail partiel ? Pas certain ! En 2017, une étude réalisée par l’Organisation Internationale du Travail et s’appuyant sur des recherches effectuées dans 15 pays [2], concluait que l’excès de télétravail pouvait être dangereux pour la santé psychologique. Le 100% télétravail est, par définition, un excès de télétravail, pouvant créer une situation dans laquelle la santé mentale peut être impactée.
Quels sont les dangers associés au 100% télétravail ?
Si l’on en croit les experts du sujet, les dangers du 100% télétravail sur la santé psychologique des personnes qui le pratiquent sont nombreux. On en recense néanmoins trois principaux.
- L’isolement : danger n°1 du full remote
Sans trop de surprise, le principal danger du 100% télétravail réside dans l’isolement qu’il induit nécessairement pour les salariés. Un isolement qui peut prendre deux formes différentes et non exclusives. La première tient du fait que la majorité des télétravailleurs exercent depuis leur domicile. Cette pratique réduit drastiquement les contacts des personnes concernées avec l’extérieur. L’isolement peut alors rapidement se généraliser. La seconde est associée aux relations avec l’équipe de travail. Ne pas avoir de bureau où se présenter le matin réduit drastiquement les occasions d’interagir régulièrement avec des collègues et transforme de manière systématique l’informel en échanges formalisés.
- Des perturbations de l’équilibre vie professionnelle / vie personnelle
Selon l’étude Ifop précédemment citée [1], l’une des principales motivations des télétravailleurs était, avant la crise sanitaire, de gagner en équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Une motivation totalement justifiée lorsqu’on sait que de nombreux salariés perdent énormément temps dans les transports. Cependant, le 100% télétravail risque fort d’inverser la tendance [3]. Les horaires des télétravailleurs étant bien plus flexibles, le risque de voir s’estomper la limite entre “vie pro et vie perso” est considérable. Ajoutons à cela la confusion entre les lieux de travail et de détente pour les télétravailleurs à domicile On peut comprendre aisément qu’un des risques du 100% télétravail réside dans la difficulté à déconnecter complètement des enjeux professionnels.
- Un niveau de stress accru
Il existe également un risque moins connu du 100% télétravail. Selon le rapport de l’OIT précédemment cité [2], 42% des personnes travaillant en permanence à domicile déclarent se réveiller plusieurs fois par nuit, contre 29% de celles exerçant sur leur lieu de travail. En cause ? La pression accrue que s’infligent les “serial télétravailleurs”. Deux raisons contribuent à expliquer ce phénomène. Premièrement, les salariés qui ne peuvent montrer physiquement leur productivité ont tendance à vouloir rester constamment disponibles en ligne pour prouver à leurs collègues et supérieurs qu’ils sont efficaces et motivés. Deuxièmement, les travailleurs à distance ont tendance à être considérés par leur équipe, mais aussi par eux-mêmes, comme des privilégiés, ce qui peut les pousser à vouloir travailler plus que les autres salariés pour justifier ce privilège.
Quelles réflexions mener pour mettre en place le télétravail ?
Si les dangers associés au 100% télétravail sont bien réels, cet article n’a pour autant pas vocation à décourager les entreprises qui souhaitent le mettre en place. Notre objectif est davantage de mettre en lumière les réflexions qui doivent précéder et accompagner, de manière générale, la mise en place du télétravail. Les employeurs et managers ont ainsi tout intérêt à mettre en place des pratiques pour aider les employés à travailler de façon moins ambiguë (en fournissant des attentes claires), moins stressante (en mettant en place des programmes d’aide qui fournissent des conseils à court terme et d’autres services confidentiels), et plus collaborative (happy hours virtuels et autres événements sociaux) [3]. Nous conseillons également de suivre la satisfaction au travail / télétravail des collaborateurs par la mise en place d’un baromètre dédié. Les consultants d’Ekilibre conseil peuvent vous accompagner pour identifier avec vous les actions appropriées à votre contexte et à vos enjeux.
En synthèse ? Bien entendu, les modalités qui régissent la mise en place du télétravail, qu’il soit ou non permanent, doivent avant tout s’intégrer dans un échange entre l’ensemble des acteurs de l’entreprise et s’appuyer sur les besoins spécifiques des salariés. Il semble important dans ce cadre que cette transition soit accompagnée au niveau organisationnel, mais aussi par l’intervention d’un expert de la santé au travail.
Références citées :
[1] Ifop pour Malakoff-Médéric. (2019). Télétravail : regards croisés entre salariés et dirigeants. Disponible en ligne : https://zevillage.net/wp-content/uploads/2019/02/Etude-Teletravail-Malakoff-Mederic-comptoir-Nelle-entreprise-2019.pdf
[2] Messenger, J., Vargas Llave, O., Gschwind, L., Boehmer, S., Vermeylen, G., & Wilkens, M. (2017). Working anytime, anywhere: The effects on the world of work. European Foundation for the Improvement of Living and Working Conditions.
[3] Allen, T. (2020). Psychological Science and COVID-19: Working Remotely APS Backgrounder Series.