Depuis maintenant plusieurs années, la prévention des risques psychosociaux et, plus récemment, la promotion de la qualité de vie au travail sont au cœur des enjeux des entreprises. Si les dispositifs allant dans ce sens se multiplient, on parle moins en revanche des risques existant au sein des équipes managériales et dirigeantes. Pourtant, plusieurs études récentes révèlent des chiffres inquiétants quant à la santé de ces populations à risque.
Le manager de proximité : entre le marteau et l’enclume
Souvent décrit comme le premier acteur de la santé et du bien-être des collaborateurs, le manager de proximité est pourtant lui aussi sujet à de nombreux facteurs de risques. Ainsi, selon le baromètre “Climat social et Qualité de vie au travail” publié par Cegos (2018), 65% des managers déclarent subir un stress qui aurait un impact négatif sur leur santé. Plusieurs raisons permettent d’expliquer ce constat. En premier lieu, la position délicate du manager, principal relai entre la direction et les collaborateurs. Un véritable jeu d’équilibriste jonché d’attentes contradictoires et d’injonctions paradoxales.
Une situation d’autant plus difficile à gérer que de nombreux managers n’ont pas reçu de formation à la gestion d’équipe. Selon une enquête Cadreo (2019) menée auprès de 2 930 salariés en France, 4 managers sur 10 n’auraient en effet jamais été formés au management et auraient appris “sur le tas”. Cela s’explique principalement par le processus de choix des managers : une majorité d’entre eux serait ainsi promue sur la seule base de leurs compétences opérationnelles, et non en fonction des aptitudes et formations à accompagner et engager une équipe. Ajoutons à cela une difficulté croissante à trouver du sens au travail à l’heure où les tâches administratives prennent peu à peu le pas sur la gestion d’équipe, et on obtient un mélange dangereux qui peut mettre en danger la santé de nombreux managers.
Poids des responsabilités et isolement chez les dirigeants
Plus éloignés des revendications des collaborateurs et de la gestion des équipes, les dirigeants ne sont, pour autant, pas épargnés par les risques psychosociaux. Selon une étude menée par la société BPI France (2016), 15% des dirigeants d’entreprises seraient à risque élevé de burnout. Les raisons qui permettent d’expliquer ce constat sont très souvent reliées à deux facteurs principaux. D’une part, le poids des responsabilités qui incombent aux équipes dirigeantes semble être à l’origine d’une pression permanente. À la fois garants de la pérennité de leur entreprise et de l’emploi de leurs salariés, les dirigeants éprouveraient des difficultés particulières à ralentir leur rythme de travail de peur d’être à l’origine de la faillite de leur organisation. Dans une étude plus récente de l’observatoire AMAROK, c’est près d’un dirigeant sur cinq (17,5 %) qui présenterait un risque élevé de burn-out. Cette étude établi que les dirigeants travaillent 11 heures en moyenne de plus par semaine que les salariés et plus de semaines par an avec des impacts sur le temps de sommeil.
Au-delà de cette pression, l’isolement des dirigeants apparaît également comme l’un des principaux facteurs de RPS. Seuls à prendre les décisions, à assumer le poids de leurs actions et à analyser les réussites et les échecs de leur entreprise, les dirigeants souffriraient en effet d’un manque de soutien au sein de l’organisation qui nuirait fortement à leur santé psychologique… sans toutefois qu’ils ne s’en rendent compte ! Les dirigeants peineraient en effet à prendre conscience des signaux d’alerte, ce qui les rendraient encore davantage sujets à des formes plus avancées d’épuisement professionnel.
Mettre en place une démarche de prévention durable
Si elle est aujourd’hui préoccupante, la situation des équipes managériales et dirigeantes n’est cependant pas une fatalité. Elle nécessite toutefois la mise en place d’une démarche de prévention et d’accompagnement afin d’éviter que le stress ne prenne des proportions trop importantes et ne donne lieu à un turnover ou un burnout.
L’évaluation de la situation et la prise de conscience partagée sera une première étape. La réflexion ensuite sur des actions appropriées sur l’ensemble de la chaîne de décision, avec les soutien des instances dirigeantes, est une ambition appropriée.
L’implication d’un tiers intervenant prend alors tout son sens. Au-delà de la neutralité que lui confère sa position, un professionnel de l’accompagnement et de la prévention des risques psychosociaux sera à même de :
- détecter les problématiques et enjeux propres à l’organisation
- construire et mener à bien une démarche de prévention personnalisée
- réfléchir collectivement à l’organisation du travail et aux évolutions possibles
- ouvrir des espaces d’échanges permettant de discuter de la réalité des métiers de chacun et de recréer le dialogue, dans un climat de confiance et de solidarité.
Dans le cadre de ce travail, la formalisation de l’évaluation des risques et les actions associées mérite d’être intégrée dans le document unique d’évaluation des risques professionnels. Dans le cas contraire, l’employeur pourrait s’exposer à une incohérence dans ses mesures de prévention des risques et à une non-conformité réglementaire. Plus globalement cette dynamique qui vise à concilier performance et santé de la communauté managériale mérite également de s’intégrer dans un projet à consonnance positive dans son ambition afin de lui donner un sens qui ne soit pas seulement défensif.
Pour les dirigeants, particulièrement dans ces temps d’incertitude, la résilience est mise à rude épreuve. Nous conseillons aux dirigeants de prendre du temps pour eux en priorisant des temps sociaux et autres facteurs de protection afin de préserver leur capital santé, de s’inscrire dans des échanges avec des pairs et de se faire accompagner par un conseiller/coach de dirigeant connecté aux risques et opportunités du contexte. Ces actions limiteront le risque d’isolement, faciliteront la prise de recul et l’ajustement de leurs décisions opérationnelles.
En résumé ? Si les enjeux liés à la santé professionnelle sont aujourd’hui de plus en plus adressés, on parle encore peu des risques associés aux positions de managers et de dirigeants. Ceux-ci sont pourtant soumis à des facteurs de stress importants qui, non pris en charge, peuvent mener jusqu’au burn-out. L’intervention d’un professionnel de l’accompagnement est dans ce cadre indispensable pour faire évoluer l’organisation du travail et prévenir les risques pour l’ensemble des acteurs de l’entreprise.
Principales références citées :
Torres, O., & Kinowski-Moysan, C. (2019). Dépistage de l’épuisement et prevention du burn-out des dirigeants de PME: d’une recherche académique à une valorisation sociale. Revue française de gestion., 45(284), 171-189.
Cegos. (2018). Climat social et Qualité de vie au travail – Baromètre Cegos.
Gombert, G. (2019, 11 juin). Enquête Cadreo : la place des cadres dans les entreprises en 2019. Cadreo.