Si les outils numériques permettent à de nombreux travailleurs de poursuivre leur activité professionnelle malgré la crise sanitaire, les nouvelles organisations de travail semblent au fil du temps porter atteinte à l’enthousiasme et à la motivation générale. La faute en partie à une distanciation physique prolongée qui se ressent sur le lien social unissant les équipes de travail. Face à ce constat, les managers et dirigeants agissent : réunions en visioconférence, coups de téléphone réguliers et autres machines à café virtuelles viennent remonter le moral des troupes. Un soulagement temporaire qui peut être complété par une posture prompte à susciter l’engagement sur le long terme …
Placer l’humain au centre du travail
L’un des premiers leviers de motivation à considérer en ces temps de fatigue pandémique est la considération portée au bien-être et à la santé des salariés. Il semble en effet fondamental que ces enjeux soient désormais considérés comme stratégiques au sein des entreprises. La protection des salariés, aujourd’hui l’un des principaux ingrédients de la continuité d’activité des entreprises, a été mise au premier plan depuis le début de la crise sanitaire. Avec le temps, et la mise en place d’organisations du travail relativement stabilisées, ces considérations pourraient avoir tendance à disparaître ou s’amoindrir. Or il est important de garder à l’esprit que la stabilisation des modes de travail n’est pas synonyme de confort pour les salariés.
Pour prévenir le désengagement et faciliter le ressenti de motivation “auto-déterminée” [1], managers et dirigeants doivent donc à la fois maintenir un certain niveau de vigilance par rapport à la souffrance professionnelle. Plus encore, il est important de mettre en avant pour les salariés les bénéfices associés au télétravail. Ainsi, une entreprise plus humaine n’est pas seulement bienveillante et accueillante, c’est aussi une organisation qui permet à chacun de travailler selon le rythme qui lui convient le mieux. La technologie et le télétravail permettent aujourd’hui d’accompagner chaque individu pour lui permettre d’être plus en phase avec son rythme naturel, mais aussi de se libérer de tâches moins utiles ou urgentes. Le tout au service d’une productivité accrue et d’une meilleure qualité de vie au travail [2].
Travailler l’identité profonde de l’organisation
Le bureau en “période COVID” n’est plus un espace de travail. C’est avant tout un espace d’échange et de partage, qui permet de conforter les collaborateurs dans leur besoin d’appartenance. Les recherches en psychologie montrent en effet que chaque individu a fondamentalement besoin de se sentir relié aux personnes qui l’entourent et d’appartenir à un groupe [3]. Appliqué au travail, on parlera alors d’identité organisationnelle, qui fait référence à la volonté des individus de se définir comme membres d’une organisation particulière [4, 5]. L’identification organisationnelle, complexifiée par la prise de distance physique, est en revanche facilitée par un travail de définition de mise en valeur de l’image de l’entreprise.
Chaque société doit ainsi se demander en quoi elle est unique et intéressante pour ses salariés, et développer autour de ces caractéristiques une image forte qui suscitera l’adhésion. Les entreprises peuvent ainsi communiquer sur leur culture, mais aussi sur les valeurs qui la caractérisent et animent le travail des salariés. Une communication d’autant plus efficace que les valeurs mises en avant seront en adéquation avec la perception qu’ont les salariés de leur travail et de l’utilité que peut revêtir leur activité dans le contexte sanitaire actuel. Mais ce n’est pas tout ! L’identité passe également par le sens qu’une entreprise donne à son activité et au travail fourni par les salariés [6].
Faire appel aux mécanismes psychologiques de l’engagement
Les recherches menées par Estelle Morin, professeure de psychologie et management à HEC Montréal, ont mis en avant cinq dimensions de l’engagement professionnel [6] :
- l’utilité sociale du travail : il importe aux individus de faire des actions qui servent à quelque chose ou à quelqu’un, qui apporte une contribution aux autres ou à la société,
- la rectitude morale du travail, qui doit être perçu comme responsable, non seulement dans son exécution, mais aussi dans les produits et les conséquences qu’il engendre,
- les occasions d’apprentissage et de développement, permettant la stimulation des potentiels individuels et l’accomplissement personnel dans le travail
- l’autonomie, qui passe par la possibilité de faire appel à ses compétences pour résoudre ses problèmes et d’être consulté dans le cadre des décisions concernant son poste de travail,
- et bien évidemment, la qualité des relations professionnelles qui doit être maintenue au maximum en encourageant les échanges informels, y compris à distance.
Chacun de ces leviers peut faire l’objet d’échanges entre membres d’une équipe, afin de s’accorder collectivement sur les actions principales à mener et les axes prioritaires de développement à considérer.
En résumé, plusieurs leviers de motivation et d’engagement peuvent être activés par les managers, dirigeants et professionnels RH en cette période de crise. Attention cependant, il est important de garder à l’esprit qu’au-delà des facteurs généraux de motivation, chaque individu est unique et possède ses besoins propres. Il est donc conseillé de compléter les démarches décrites dans cet article par des entretiens approfondis permettant une meilleure compréhension de la psychologie des salariés.
PRINCIPALES SOURCES CITEES:
[1] Deci, E. L., Olafsen, A. H., & Ryan, R. M. (2017). Self-determination theory in work organizations: The state of a science. Annual Review of Organizational Psychology and Organizational Behavior, 4, 19-43.
[2] Kleitman, N. (1982). Basic Rest-Activity Cycle – 22 Years Later, Sleep, 5(4), 311–317. https://doi.org/10.1093/sleep/5.4.311
[3] Deci, E. L., & Ryan, R. M. (Eds.). (2004). Handbook of self-determination research. University Rochester Press.
[4] Haslam, S. A., Postmes, T., & Ellemers, N. (2003). More than a metaphor: Organizational identity makes organizational life possible. British journal of management, 14(4), 357-369.
[5] Tyler, T. R., & Blader, S. L. (2003). The group engagement model: Procedural justice, social identity, and cooperative behavior. Personality and social psychology review, 7(4), 349-361.
[6] Morin, E. M., & Forest, J. (2007). Promouvoir la santé mentale au travail: donner un sens au travail. Gestion, 32(2), 31-36.
Source des chiffreshttps://www.messorties.fr/actu-entreprises/bien-etre-et-qualite-de-vie-au-travail-apres-le-covid-19/