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Les équipes de projet virtuelles – entre attractivité et risques psychosociaux

Ecrit par Marie MITTELBERG

Travailler au bord de la plage, avoir des horaires de travail flexibles et un équilibre vie professionnelle/ vie personnelle agréable – les équipes de projet virtuelles sont en pleine croissance (Gibson et Gibbs, 2006; Araujo et al., 2017). Ce mode de fonctionnement semble attractif pour les collaborateurs, et avantageux pour les entreprises grâce au gain de temps, d’efficacité et/ou à la réduction des coûts. Cependant, les risques des équipes de projet virtuelles ne sont pas négligeables. Cet article a pour objectif d’apporter sa contribution pour mieux comprendre les déterminants du bien-être au sein des équipes de projet virtuelles et ceux de la réussite associée au rôle du chef de projet.

1. Une équipe de projet virtuelle – Qu’est-ce ? Quels avantages ? Quels risques ?

Les équipes de projet virtuelles (EPV) sont constituées d’experts qui travaillent ensemble pour atteindre un but commun, mais en étant séparés par le temps et l’espace (Jüster et al., 2001; Chevrier, 2012; Ouaddi, 2016; Zhang, 2016).

Les EPV permettent de rassembler des experts qualifiés avec des compétences complémentaires afin de répondre au mieux aux exigences d’un projet (Zhang, 2016). Les organisations profitent d’un grand nombre d’avantages, comme la facilitation du transfert des connaissances (Reed and Knight, 2010), une meilleure compétitivité sur le marché du travail (Kuruppuarachchi, 2009) et/ou la réduction des coûts (Zhang, 2016; Reed et Knight, 2010).

Cependant, la pression qu’un individu en EPV ressent est considérablement sous-estimée (Garel et al., 2001). Les problèmes de communication (Pyöria, 2009; Chevrier, 2012), le manque de performance du chef de projet (Ouaddi, 2016; Ziek et Smulowitz, 2014), le manque de confiance et de cohésion dans l’équipe (Oertig et Buergi, 2006; Zhang, 2016), le manque d’engagement des membres (Ouaddi, 2016) et l’isolation sociale (Hertel et al., 2017) impactent fortement le bien-être de l’équipe.

2. Le bien-être psychologique en équipe de projet virtuelle

2.1. Repères sur le bien-être psychologique au travail

Le bien-être au travail est “une expérience subjective positive où l’on tend à exprimer le meilleur de soi et qui se construit à travers soi, à travers ses relations sociales au travail et dans les interactions avec son organisation” (Dagenais-Desmarais, 2008).

On peut décrire le bien-être à travers cinq facteurs (Dagenais-Desmarais, 2008), qu’on peut mettre en lien avec les équipes de projet virtuelles :

  1. La qualité des relations interpersonnelles
  2. L’épanouissement au travail
  3. Le sentiment de compétences professionnelles
  4. La reconnaissance perçue
  5. La volonté de s’engager dans le travail

2.2. Les déterminants du bien-être en équipe de projet virtuelle

Parmi les difficultés relationnelles en équipe de projet virtuelle, on peut compter le manque de cohésion d’équipe (Zhang, 2016; Bailey, 2013; Reed et Knight, 2010; Bonnard et al., 2014; Peters et Manz, 2007) et la difficulté de développer de la confiance (Oertig et Buergi, 2006; Pyöriä 2009; Lu et al., 2006; Ouaddi, 2016; Kuruppuarachchi, 2009; Bailey, 2013). De plus, la multiplication et l’exigence des tâches en mode projet peuvent amener à un éclatement de l’identité professionnelle, une perte de repères (Asquin et al., 2007), et une menace du sentiment de réalisation de soi (Zhang, 2016).

Bien qu’il soit gratifiant d’avoir été recruté en tenant compte de potentielles contraintes géographiques et/ou temporelles (Zhang, 2016), le travail en mode projet donne place au jugement entre les membres, et peut alourdir la pression sociale (Asquin et al., 2007). Enfin, les projets sont reconnus comme des lieux d’engagement forts, tant sur le plan intellectuel que émotionnel (Asquin et al., 2007). Il convient en parallèle d’être en vigilance car l’implication totale et permanente peut amener à l’épuisement professionnel (Asquin et al., 2007).

Les éléments précédemment décrits permettent de prendre la mesure des principaux déterminants du risque psychosocial vs du bien-être possible dans une équipe de projet virtuelle. En quoi le chef de projet est déterminant pour favoriser le bien-être plutôt que l’apparition des troubles psychosociaux ?

3. Le rôle du chef de projet

Le recrutement du chef de projet est la première clé au succès pour une équipe de projet virtuelle (Loufrani-Fedida, 2008). Celui-ci tient une place primordiale dans l’instauration d’un esprit d’équipe cohésif et du développement de la confiance (Maders, 2003; Kuruppuarachchi, 2009; Morley et al., 2015).

Quelques compétences et comportements clés :

  • Par la communication directe, honnête et constante instaurée par le chef de projet, un esprit d’équipe cohésif ainsi qu’une volonté d’engagement élevé peuvent s’installer (Reed et Knight, 2010).
  • Afin de renforcer la volonté des membres de s’engager dans le projet, il doit clarifier l’objectif et les responsabilités de chacun, et s’assurer de leur bonne intégration (Morley et al., 2015). Dube et Marnewick (2012) soulignent que des réunions régulières autour des progrès et difficultés des membres ont un effet encourageant sur l’équipe.
  • Les projets nécessitent une grande capacité d’adaptation (Maders, 2003) afin d’éviter une perte de sens (Zaman, s. d.) et un faible niveau d’épanouissement au travail. Un chef de projet ayant des capacités de flexibilité comportementale importantes pourra les transmettre aux membres de l’équipe (Maders, 2003).
  • Il est fondamental de se montrer reconnaissant envers l’équipe à travers la parole, l’écrit, le geste, l’objet et le symbole (Bourcier et Palobart, 1997), malgré le manque de temps souvent connu en EPV (Brun et Dugas, 2005).
  • Une proximité hiérarchique peut donner place à la responsabilité partagée, la co-création et l’autonomie (Bell et Kozlowski, 2002).
  • Les compétences de leadership sont fondamentales pour la gestion des équipes virtuelles (Iorio et Taylor, 2015). Un leader “intégratif” qui démontre à la fois des compétences de leadership transactionnel, focalisé sur les tâches et la production, ainsi que transformationnel, focalisé sur l’humain, serait adapté aux équipes de projet virtuelles. Ainsi, le chef de projet peut amener à une plus forte cohésion d’équipe, une meilleure collaboration et une volonté d’engagement plus élevé.

Un chef de projet virtuel est certainement incité à gérer son équipe avec plus d’intensité que les chefs de projet “classiques”. Il est amené à devoir proposer plus de structuration des responsabilités, de formalisation des tâches, d’encouragements ainsi qu’une communication plus approfondie afin d’assurer le bien-être de son équipe (Chevrier, 2012). Vigilant aux potentielles risques psychosociaux en équipe de projet virtuelle, le chef de projet peut s’accompagner par son entreprise à travers un plan de soutien et/ou de coaching autour des enjeux de son équipe. En étant encadré par un dispositif d’accompagnement adapté, il sera tout à fait en mesure de créer un climat de confiance dans l’équipe.

Au-delà de l’impact du chef de projet, il existe un grand nombre d’autres facteurs qui peuvent influencer le bien-être dans une telle équipe, comme le choix des membres ou encore la multiculturalité de l’équipe. En effet, il faut tenir compte des caractéristiques de chaque membre, et veiller à choisir des personnes qui sont adaptables et qui disposent d’excellentes capacités de communication et de résilience.

Pour résumer, les équipes de projet virtuelles sont très attractives à nos jours et représentent un mode de vie qui prône la liberté et le voyage. En visualisant les risques, tels que les difficultés d’interface, les difficultés liés à la multiculturalité, la distance temporelle ou géographique, le temps de travail dense ou la difficulté de créer du lien, nous pouvons éviter que ces risques se matérialisent.

Références bibliographiques

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