Haut Potentiel, sur-efficient, surdoué, arborescent, zèbre ou encore mustang, sont autant de termes employés pour définir les personnes ayant un profil dit « neuro-atypique » qui désigne des fonctionnements singuliers et très variés. Ces différences peuvent être souvent à l’origine d’incompréhensions, de difficultés dans les relations professionnelles, voire de situations de mal-être. A travers cet article, nous souhaitons faciliter une meilleure compréhension de ce sujet.
Une compréhension multidimensionnelle
Le profil « Haut Potentiel » a souvent été réduit au quotient intellectuel chiffré. Les différentes études ont montré que cette mesure présente des limites et ne suffit pas pour rendre compte de la complexité et la diversité des variables impliquées dans un profil HP. Cinq dimensions ont été identifiées par ZIEGLER et RAUL (2000) pour être utilisées dans la recherche ; on parlera de créativité, d’intelligence, de performance, de personnalité et d’intérêts.
L’ensemble des conceptions scientifiques du profil « Haut Potentiel » s’accordent sur quatre postulats (Caroff, 2005) :
- Le « Haut Potentiel » peut s’exprimer sous des formes diverses et variées
- Les domaines de compétences dans lesquels il peut se révéler sont nombreux et ne s’arrêtent pas à l’intelligence, prenant en compte des aspects de la personnalité
- Le « Haut Potentiel » se différencie du don qui suppose la présence d’une aptitude particulière supérieure à une moyenne d’un groupe d’âge ; et du talent qui porte sur une compétence au sein d’un champ particulier
- L’expression du « Haut Potentiel » est modulée selon de nombreuses variables
Jeanne SIAUD-FACCHIN, psychologue spécialiste des surdoués, mettra l’accent sur le fait que la caractéristique la plus importante dans notre considération du « Haut Potentiel » ne doit pas être le quotient intellectuel du fait qu’il s’inscrive dans un fonctionnement souvent source de difficultés, notamment scolaires. L’hétérogénéité des capacités cognitives constitue la dimension atypique. Pour la spécialiste, la différence du comportement psychoaffectif et du fonctionnement de l’intelligence caractérise avant tout le « Haut Potentiel », qui peut s’exprimer de façon très différente selon les personnes.
Un potentiel complexe
« Être surdoué, c’est l’émotion au bord des lèvres toujours, et la pensée aux frontières de l’infini tout le temps. » Jeanne SIAUD-FACCHIN
Nous sommes tous des êtres sensibles, certains le sont davantage. L’hypersensibilité est une particularité faisant partie des différences du « Haut Potentiel » qui le rend plus réceptif aux stimuli, par une amplification des ressentis et des perceptions. Un bruit perçu de la même manière par plusieurs personnes ne sera pas vécu de la même façon par une personne hypersensible, qui peut présenter de l’hyperesthésie (exagération physiologique de la sensibilité des divers sens). Il s’agit d’un trait tempéramental qui serait inné et qui serait lié à l’utilisation plus importante de l’hémisphère droit du cerveau. Il s’accompagne d’une intuition développée et une propension à tout percevoir et analyser, capter tous les détails, terminer parfois les phrases de l’autre et ressentir le ressenti de ce dernier avant même son expression. Elle est reliée à une lucidité sur leur environnement. Nous pouvons être hypersensibles sans pour autant présenter d’autres caractéristiques d’un profil atypique.
L’intensité avec laquelle les émotions peuvent être ressenties peut mener à être affecté facilement dans des situations quotidiennes, ou à l’inverse, donner une image froide et distante par la rationalisation des émotions alors non reconnues.
Le système de pensée est un point important à prendre en compte. On parle de pensée en arborescence, alimentée par la curiosité. Elle donne place à un sens créatif, innovant, un goût pour apprendre, et permet de travailler rapidement sur plusieurs sujets. Le revers de la médaille, c’est le risque de surcharge que présente la suractivité mentale, et l’angoisse qui peut découler des questionnements souvent laissés sans réponse.
L’acceptation est le premier ingrédient d’une bienveillance envers soi, rendue difficile par l’auto-exigence du « Haut Potentiel » suivie par son manque de confiance et d’estime de soi. La plupart du temps, ils créent eux-mêmes les situations vécues comme un échec du fait qu’ils se fixent des objectifs bien trop élevés par rapport aux moyens dont ils disposent, menant également à un sentiment d’incompétence.
L’incompréhension par les autres de ce fonctionnement particulier expose au risque de le considérer comme de l’indiscipline, du manque de respect des règles établies, une menace pour certains, ou encore une forme de résistance. Il s’agit souvent de malentendus en lien avec l’intensité des valeurs, le perfectionnisme, le fort besoin d’intégrité, et une certaine impatience, donnant l’habitude des difficultés dans les relations interpersonnelles. La principale stratégie pour éviter les difficultés liées à ces caractéristiques « neuro-atypiques » est de s’éloigner temporairement de son fonctionnement pour s’adapter à une situation, qui ne peut être que temporaire du fait de la place importante donnée à l’authenticité. Ces caractéristiques se situant entre forces et vulnérabilités peuvent devenir sources de souffrance dans certains environnements professionnels.
Le management des profils dits atypiques
En termes de management, il peut représenter un exercice d’équilibriste. Ce qui fonctionne avec les autres ne produira pas le même effet avec un profil « Haut Potentiel ». Ce seront sa sensibilité et son attache à certaines dimensions telles que le sens, la logique, la justice et la compréhension qui pourront être sources de revendication et d’opposition. La rapidité pourra mener à une forme d’impatience ou d’ennui qui pourront laisser transparaître un air faussement nonchalant. Qualifiés parfois comme étant ingérables, ils peuvent mettre en difficulté un manager alors même qu’il pourrait être attendu de lui qu’il soit aussi une ressource.
Il est alors conseillé à ce dernier la responsabilité d’être conscient de ses ressentis face à la gestion de ce profil, requérant une prise de recul sur soi. Agacement, incompréhension, sentiment d’être désarmé ou dépassé sont autant de sentiments qui peuvent se présenter. Le mécanisme du besoin de contrôle lié à la fonction managériale peut facilement s’imposer comme une solution perçue au regard de la difficulté rencontrée, mais cette action risque probablement d’être contre-productive. Bien que passant pour celui qui sait, le « Haut Potentiel » ne sait pas toujours faire avec ce qui le caractérise et peut même, à terme, le vivre comme une source de mal-être, notamment par le sentiment de solitude creusé par l’incompréhension qui s’installe dans la relation.
Un management approprié concilierait exigence et humanité, confiance et autonomie, challenge et accompagnement, aidant chacun à évoluer. Les tâches sous forme de projet et d’objectifs à atteindre sont des clés à travers lesquelles il peut grandir et exploiter ses forces. Il peut être nécessaire d’accompagner un collectif qui pourra l’accompagner en retour. L’étude de Egon ZEHNDER et McKINSEY a permis de rendre compte d’une différence d’efficacité lorsqu’on mélange des profils atypiques, n’étant pas excellents sur tout, avec des profils dans la norme. Pour les auteurs, la clé réside dans la cohésion de ces différences à l’aide d’un management adapté. Un environnement de travail clair au sein duquel une place est accordée à une intelligence collective est une condition favorable à l’épanouissement de tous les collaborateurs. Le besoin d’être nourri trouve satisfaction dans la découverte de nouveaux champs d’apprentissage, associée à des activités de terrain pour servir l’énergie.
Une posture managériale à l’écoute et bienveillante, requérant de la patience et de l’observation de ce qui peut stimuler et challenger est conseillée, tout en ayant de l’humilité face à la particularité qui peut elle-même représenter un challenge. Ces caractéristiques permettent dans le même temps une bonne gestion émotionnelle favorisant la sérénité et la diminution du recours aux stratégies coûteuses, pour chacun.
L’accompagnement du manager par le biais de coaching adapté à la situation peut être une clé dans la prévention et/ou la diminution des risques. La mise en place d’une médiation peut également être une solution à envisager. Souvent, l’intellect occupe une place dominante et a besoin d’être contenue c’est pourquoi il est bénéfique de pouvoir recentrer l’attention sur des projets concrets.
En synthèse ? Les relations professionnelles sont nourries quotidiennement par les différences de chacun. Certaines d’entre elles, plus « atypiques », pourraient être sources de difficultés dans la collaboration, de contre-performance, voire de mal-être. La régulation managériale dans une telle situation est essentielle pour maîtriser les risques associés et permettre aux profils « atypiques » de pouvoir exprimer leur potentiel et s’épanouir professionnellement. Un accompagnement sur mesure du management comme des profils dits « atypiques » par des experts du sujet est fortement conseillé.
Références citées dans l’article
Caroff, X., Jouffray, C., Jilinskaya, M. & Fernandez, G. (2006). Identification multidimensionnelle du haut potentiel : mise au point d’une version française des échelles d’évaluation des caractéristiques de comportement des élèves surdoués. Bulletin de psychologie, numéro 485(5), 469-480.
Herrmann, K.; Komm, A.; Smit, S. (2011). Do you have the right leaders for your growth strategies?.Organization Practice
Komm, A., McKinsey & Company, John McPherson, J., Graf, M., P. Kelner, S., Renze-Westendorf, V. (2011). “Return on Leadership”. Egon Zehnder International and McKinsey & Company
Siaud-Facchin, J., Trop intelligent pour être heureux ? : l’adulte surdoué. Paris : Odile Jacob, 2008. 320 p.
Ziegler, A., & Raul, T. (2000). Myth and Reality : A review of empirical studies on giftedness. High Ability Studies, 11(2), 113‑136.