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Le sens du service et les comportements de citoyenneté organisationnelle (CCO) : un levier de performance en entreprise

Ecrit par Claire de Lacaze

Introduction

Le changement continu, auquel fait face le monde du travail, amène les organisations à reconsidérer le concept de performance. Dans ce contexte, selon Bakker et Schaufeli (2008), les organisations ont besoin que leurs travailleurs soient « proactifs et fassent preuve d’initiative, collaborent entre eux, prennent en charge leur propre développement professionnel et s’engagent dans de hauts standards de qualité de performance ». Les CCO (comportements de citoyenneté organisationnelle) sont une piste que nous proposons ici d’étudier pouvant contribuer à répondre aux exigences actuelles des organisations.

La citoyenneté organisationnelle (CO) est définie comme l’ensemble des conduites individuelles qui dépasse le cadre strict des relations contractuelles vis-à-vis de l’organisation et améliore l’efficacité de l’organisation (Podsakoff, MacKenzie, Paine et Bachrach, 2000 ; LePine, Erez et Johnson, 2002). Ainsi, les comportements de citoyenneté organisationnelle (CCO), « ne relèvent pas du rôle ou des tâches prescrites de l’emploi occupé » (Organ, 1988). Ils sont volontaires, désintéressés (dans le sens où ils ne sont pas « directement ou explicitement reconnus par le système de récompense formel ») et favorisent le bon fonctionnement de l’organisation (Organ, 1988).

Organ (1988) différencie trois comportements principaux des CCO que sont :

  • l’entraide (le fait de porter assistance de manière proactive à un collègue) ;
  • l’esprit d’équipe (défini comme le fait d’accepter certaines conditions ou situations difficiles liées au travail sans se plaindre) ;
  • et les vertus civiques (caractérisées par le fait de témoigner d’un fort intérêt envers son organisation et une participation active aux activités de l’entreprise).

Williams et Anderson (1991) apportent un complément en différenciant deux catégories de CCO que sont les « CCO-I » (comportements dirigés vers les individus tels que l’entraide envers un collègue ou l’altruisme) qu’ils distinguent des « CCO-O » (concernant les comportements servant directement l’organisation tel que l’esprit d’équipe et les vertus civiques).

Les CCO : un gage de performance

Les Comportements de citoyenneté organisationnelle (CCO) sont un gage de performance, ils encouragent la collaboration et la productivité managériale et renforcent la capacité de l’organisation à attirer et retenir les meilleurs employés (Podsakoff, MacKenzie, Paine et Bachrach, 2000).

Il a été notamment montré l’impact des CCO sur la performance adaptative (PA). La PA est la capacité à développer de nouvelles compétences, à résoudre des problèmes, à s’adapter à des situations imprévisibles et à gérer le stress qui en découle.

Khachlouf, Soparnot et Renard (2019) ont étudié l’impact de trois dimensions des CCO que sont l’entraide, l’esprit d’équipe et les vertus civiques sur la PA. Il s’avère que l’entraide et l’esprit d’équipe augmentent fortement la PA des salariés. Les vertus civiques, elles, ont un impact plus faible sur la PA. Cela signifie que plus un salarié développe un esprit d’équipe et une entraide forte, plus il pourra s’adapter à des situations professionnelles imprévisibles.

Evaluer les CCO en entreprise

Evaluer le niveau de CCO lors d’entretiens annuels comme indicateurs de la PA peut avoir également d’autres effets positifs sur l’organisation. Cela peut se faire par la notation systématique des trois items que sont l’entraide, l’esprit d’équipe et les vertus civiques. Cette notation permet d’obtenir une « note agrégée de niveau de CCO » qui peut être intégrée dans le guide d’entretiens annuels. Cela permettrait également de prédire des facilités ou difficultés à s’adapter à de nouvelles situations professionnelles. Continuer le suivi dans la durée de ces trois items permettrait alors « d’accroître durablement le potentiel adaptatif des individus ».

Mettre en place une évaluation des CCO suppose de se baser sur une échelle de mesure valide et fiable. Paillé (2007) propose une validation française des échelles de mesure de Podsakoff et MacKensie (1994) comprenant quatre dimensions (l’altruisme ; l’entraide ; les vertus civiques et l’esprit d’équipe). Des résultats élevés indiquent une présence plus élevée des CCO. Pour chaque énoncé, le participant répond sur une échelle de Likert en cinq points [1. Tout à fait en désaccord à 5. Tout à fait en accord].

Quelques recommandations pour l’évaluation des CCO

Podsakoff et al. (2013) recommandent de recueillir les informations de différentes sources dans le cas précis de l’évaluation des CCO des employés et des évaluations de la performance. Par exemple, les pairs (collègues) seront mieux placés pour évaluer les « CCO-I » (comportements de citoyenneté organisationnelle orientés vers les individus). Les « CCO-I » sont donc des comportements organisationnels qui peuvent être par exemple orientés vers les collègues tels que l’altruisme et l’entraide (pour rappel). A l’inverse, les superviseurs seront plus au fait des « CCO-O » (comportements de citoyenneté organisationnelle) directement profitables à l’organisation tels que l’esprit d’équipe et les vertus civiques (pour rappel).

Ils pointent également l’importance de varier les points d’ancrage (échelle d’intensité, de fréquence et de temps des questions) lorsqu’il s’agit d’évaluer auprès d’une même personne ses CCO et sa performance afin d’éviter un biais de corrélation entre les deux évaluations.

Comment favoriser et encourager les CCO en entreprise ?

Selon Khachlouf, Soparnot et Renard (2019), pour encourager en entreprise les différentes dimensions des CCO que sont l’entraide, l’esprit d’équipe et les vertus civiques, il faut pouvoir :

Privilégier des dispositifs qui favorisent le collectif.

Concrètement, cela peut se faire en formant des groupes de travail ou en proposant des systèmes de récompenses financières par équipe. Cela permet aux membres de l’équipe de voir le fruit de leurs contributions. Enfin, développer des évènements comme des teams buildings pour favoriser la cohésion peut s’avérer également efficace pour développer un collectif engagé en adoptant des CCO.

Selon George et Jones (1998), les normes et objectifs du groupe influencent le développement de CCO. Par exemple, un travail demandant aux salariés de coopérer pour atteindre leurs objectifs favorisera fortement l’entraide et l’esprit d’équipe.   

Faciliter les CCO en entreprise par le transfert d’informations et l’entraide dans l’équipe et faire en sorte que le manager puisse noter les efforts des équipes en termes de CCO.

Organ et Ryan (1995) ont montré que plusieurs éléments pouvaient être à l’origine des CCO. Ainsi donc la perception de justice et d’équité dans le travail, la satisfaction au travail, le soutien de la hiérarchie et l’engagement organisationnel seraient des facilitateurs pour développer les CCO.

Selon ces auteurs, un bon moyen d’augmenter les CCO en entreprise serait de :  

  • Concevoir des systèmes d’évaluation et de rémunération efficaces perçus comme équitables par les employés.
  • Concevoir des emplois « axés sur une satisfaction et un engagement accru des employés ».
  • De tenir compte du contexte organisationnel (la structure ou politique organisationnelle) (George et Jones, 1997). Favoriser les structures organiques (Burns et Stakler, 1961) moins « mécaniste » et « rigides » et plus « ouvertes » permettrait d’encourager les initiatives et les « comportements spontanés » qui ne rentrent pas dans la fiche de poste.
  • De tenir compte du niveau de CCO des candidats dans le processus de recrutement (en particulier « l’entraide », « l’esprit d’équipe » et les « vertus civiques »). Pour rappel, celui-ci permettrait de prédire leur performance adaptative future, selon Khachlouf, Soparnot et Renard (2019).

Ces critères de considération sont particulièrement souhaitables « si l’entreprise évolue dans un secteur changeant ayant des conséquences sur les environnements de travail des individus » (Khachlouf, Soparnot et Renard, 2019).

Néanmoins, s’il est souhaitable de développer les CCO auprès des salariés, il est nécessaire de rester vigilant au contexte de travail dans lequel s’inscrit l’entreprise au moment T.

Conclusion

Les CCO sont un gage de performance au travail. Ils augmentent considérablement la performance adaptative, qui est une des compétences les plus recherchées actuellement par les organisations dans un monde en continuelle transformation. Un point de prudence a cependant été démontré par Kumar, Fouquet et Labrecque (2019) sur le fait que les CCO pourraient augmenter la fatigue de certains collaborateurs dans des contextes particuliers de très forte charge. Il s’agit alors, dans ce contexte, pour les employeurs, de « détecter et de réguler » ces comportements. Quoi qu’il en soit, apprendre à évaluer ces CCO en entreprise est une piste intéressante dans la recherche de nouveaux leviers de performance.

Références :

  • Bakker, A.B. and Schaufeli, W.B. (2008), “Positive organizational behavior: engaged employees in flourishing organizations”, Journal of Organizational Behavior, Vol. 29, pp. 147-54.
  • Burns, T., & Stalker, G. M. (1961). The management of innovation. London. 
  • Jones, G. R., & George, J. M. (1998). The Experience and Evolution of Trust: Implications for Cooperation and Teamwork. The Academy of Management Review, 23(3), 531–546. https://doi.org/10.2307/259293
  • Khachlouf, N., Soparnot, R., & Renard, L. (2019). L’influence des comportements de citoyenneté organisationnelle sur la performance adaptative des salariés. Recherches en Sciences de Gestion, N°134(5), 225. https://doi.org/10.3917/resg.134.0225
  • Kumar, S., Fouquet, E., Labrecque, M.-E. (2019). Les comportements de citoyenneté de vos employés sont-ils bénéfiques en période de surcharge de travail? 
  • LePine, J., Erez, A., & Johnson, D. (2002). The nature and dimensionality of organizational citizenship behavior : A critical review and meta-analysis. Journal of Applied Psychology, 87, 1, 52-65.
  • MacKenzie, S. B., Podsakoff, P. M., & Fetter, R. (1993). The impact of organizational citizenship behavior on evaluations of salesperson performance. Journal of marketing, 57(1), 70-80.
  • Organ D. (1988). Organizational citizenship behavior: The good soldier syndrome. Lexington books, Lexington MA.
  • Organ, D. W., & Ryan, K. (1995). A meta-analytic review of attitudinal and dispositional predictors of organizational citizenship behavior. Personnel Psychology, 48(4), 775‑802. https://doi.org/10.1111/j.1744-6570.1995.tb01781.x
  • Paillé, P. (2008). Les comportements de citoyenneté organisationnelle : une étude empirique sur les relations avec l’engagement affectif, la satisfaction au travail et l’implication au travail. Le travail humain, 71, 22-42. https://doi.org/10.3917/th.711.0022
  • Paillé P. (2007). La citoyenneté dans les organisations : validation française des échelles de mesure de Podsakoff et MacKensie (1994). Les Cahiers Internationaux de Psychologie Sociale, 74, 59-66
  • Paine, J., & Organ, D. (2000). The cultural matrix of organizational citizenship behavior : Some preliminary conceptual and empirical observations. Human Resource Management Review, 1, 1, 45-59.
  • Podsakoff, P.M., Mackenzie, S.B., Paine, J.B., et al. (2000) Organizational Citizenship Behaviors: A Critical Review of the Theoretical and Empirical Literature and Suggestions for Future Research. Journal of Management, 26, 513-563. http://dx.doi.org/10.1177/014920630002600307
  • Podsakoff, N. P., Whiting, S. W., Welsh, D. T., & Mai, K. M. (2013). Surveying for “artifacts”: The susceptibility of the OCB–performance evaluation relationship to common rater, item, and measurement context effects. Journal of Applied Psychology, 98(5), 863–874. https://doi-org.ezproxy.u-paris.fr/10.1037/a0032588
  • Williams L. J., Anderson S. E. (1991), Job satisfaction and organizational commitment as predictors of organizational citizenship and in-role behaviors. Journal of Management, n° 17, p. 601-617.

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