Les conséquences politiques, sociétales et économiques de la crise sanitaire de la covid-19 sont indéniables. Elles annoncent qui plus est des changements de paradigmes profonds auxquels les populations et les organisations vont devoir rapidement s’adapter : récession économique, remise en question de la mondialisation, nouveau rapport au travail, évolutions des attentes citoyennes… Les personnes en charge de la gestion des ressources humaines sont, dans ce cadre, indispensables pour répondre aux enjeux humains, de leadership et d’organisation [1]. Quels sont donc les défis qui les attendent ? Nous abordons quelques pistes de réflexion dans cet article.
Les défis en matière de protection des salariés
Si l’ensemble des acteurs de l’entreprise sont concernés par les gestes barrières, la fonction RH, elle, est en première ligne pour faire appliquer les différents protocoles sanitaires qui se succèdent depuis le mois de mars 2020. Sur le terrain, et en collaboration étroite avec les équipes de direction, les RH réorganisent les temps de travail, réaménagent les sites, équipent les salariés pour faire respecter les gestes barrières et plus globalement les mesures de prévention. Tout mettre en œuvre pour que les salariés puissent venir travailler en toute sécurité : voilà un premier défi qui place la barre très haute ! Mais la protection ne s’arrête pas là ! Particulièrement exposées par le recours massif aux technologies numériques, les données des salariés doivent, avec une attention croissante, faire l’objet d’un encadrement strict.
Enfin, la protection est aussi psychologique. Fragilisés par les nombreuses restrictions actuelles, les salariés manifestent de plus en plus un certain malaise, voire de la souffrance pour certains. La protection passe aussi par la mise en place des dispositifs de soutien adaptés. Dirigeants et responsables RH endossent alors pleinement le rôle de sentinelle en vigilance de l’état de santé des équipes, en dehors des murs de l’entreprise et des temps de travail. Disponibilité accrue, visioconférences à visée de « check-up moral », création de plateformes d’échanges informels, formation des managers de proximité au repérage des signaux faibles… L’intérêt pour les actions de soutien psychologique semble croissant depuis un an dans les entreprises. Cet intérêt de mesures pour « faire face » ne doit pas faire oublier l’impérieuse nécessité de s’inscrire dans une démarche de prévention plus primaire : c’est-à-dire une démarche qui ne traite pas que les impacts mais qui se donne les moyens de s’intéresser aux causes afin de mieux agir à la source quand cela est possible.
Les défis en matière d’engagement des salariés et de confiance collaborateur
La crise actuelle (re)met au premier plan l’importance de définir une vision, une stratégie dans laquelle chaque salarié doit trouver sa place. La visibilité sur la finalité de son travail et les perspectives qu’il offre constituent en effet l’une des bases de la création de sens et de l’engagement [2]. Dans une période où le principal enjeu est de retrouver une visibilité sur l’avenir et sur l’utilité de son travail, l’un des défis de la fonction RH est donc de ré-interroger la raison d’être des métiers et de leur redonner du sens en lien avec les nouveaux enjeux sociétaux.
Mais les défis en matière d’engagement ne se situent pas uniquement dans l’avenir. Le passé peut également être le lieu d’un certain sentiment d’injustice, en lien avec les différents vécus de cette période de crise. L’enjeu de reconquête du sens passe alors, en partie, par la réconciliation des populations restées opérationnelles, de celles en télétravail et de celles qui ont été placées en chômage partiel. La transparence dans l’explication des prises de décisions sera dans ce cadre un allié redoutable. Redéfinir et renforcer le contrat psychologique qui unit chaque salarié à l’entreprise, par le dialogue et une gestion constructive des conflits qui ont pu émerger, permettra de recréer un lien de confiance parfois émoussé par la prise de décisions de crise [3].
Les défis en termes de marque employeur
Au-delà des enjeux internes liés à la gestion de crise, la fonction RH voit un autre défi se dessiner devant ses yeux. Celui de reconstruire une marque employeur adaptée au contexte sanitaire et aux futures attentes des salariés. Il s’agit en premier lieu d’intégrer la résilience et l’agilité dans l’ADN de l’entreprise. Les entreprises qui survivent le mieux à cette période de récession sont en effet celles qui savent faire preuve de souplesse et s’adapter, en conservant de surcroît un semblant de vision à long terme. L’enjeu est alors de fluidifier les process, d’encourager l’innovation et de valoriser l’expertise des collaborateurs (notamment par une politique de GPEC adaptée).
Mais la marque employeur passe également par la promesse d’un vécu de travail qui dépasse le strict cadre de la réalisation de ses tâches de travail. Tout doit être mis en place pour accompagner l’ancrage du télétravail dans les pratiques, tout en préservant le lien social, en luttant contre l’isolement et en préservant les salariés des risques d’épuisement. Les salariés veulent du lien social, et ce n’est pas la période actuelle qui inversera la tendance ! Ils veulent aussi la garantie de ne pas laisser leur santé au travail et de pouvoir se déconnecter afin de bien vivre également le « hors travail ». Mettre en place, maintenir et renforcer la communication entre salariés, tout en intégrant durablement de nouvelles modalités relationnelles, faciliter la gestion des équilibres professionnels-personnels sont des points qui semblent réunis dans les objectifs à part entière pour la fonction RH.
En résumé ? Au-delà de l’activité même de l’entreprise et de la gestion des urgences (humaines, techniques, commerciales, …), une question importante à se poser dès aujourd’hui réside dans ce que seront les besoins de demain. Plus que jamais, l’entreprise aura besoin de toutes ses forces et ses talents pour relever le défi d’une reprise dans un contexte de crise mondiale et inédite. Les besoins vont se recentrer sur les fonctions vitales ce qui amène à repenser les organisations. Dès lors, la fonction RH va devoir relever le défi de reprises d’activités dans lesquelles la gestion du temps de travail va se transformer, en parallèle repenser la politique de formation de l’entreprise en s’interrogeant sur les nouveaux besoins en termes de métiers et de compétences, tout en s’impliquant pour entretenir la qualité des liens sociaux au sein des organisations. Dans ce monde complexe, savoir s’entourer des bons experts pour accompagner en pluridisciplinarité les réflexions stratégiques RH pourra également se révéler différenciant.
Principales références citées :
[1] PWC. (2020). Baromètre RH : quels impacts aujourd’hui ? Quels enjeux demain ? Pwc France.
[2] Autissier, D., & Wacheux, F. (2006). Manager par le sens : les clés de l’implication au travail. Editions Eyrolles.
[3] Pohl, S., Bertrand, F., & Pepermans, R. (2020). Relationship between psychological contract breach and organizational affective and normative commitment: the role of perceived organizational and supervisory support. Le travail humain, 83(3), 269-284